- PERSE - Histoire
- PERSE - HistoirePour tenter de saisir ce qu’a été dans sa continuité l’histoire de la Perse antique, des origines à la conquête arabe, il faut retenir au moins trois données importantes: le premier peuple, les Élamites, qui ait imposé sa marque au sud-ouest de l’Iran n’est pas d’origine iranienne, mais son influence sur les siècles postérieurs semble encore plus profonde qu’on ne le croit aujourd’hui; d’autre part, la constitution de grands empires est l’œuvre des Iraniens de l’Ouest, chacun gardant toutefois son originalité, même si, dans la tradition persane postérieure, on a présenté les Sassanides comme les seuls et authentiques héritiers des Achéménides, en sous-estimant le rôle joué dans l’intervalle par les Parthes arsacides: une certaine civilisation ne se reproduit jamais sans de profondes modifications; enfin, la tentative d’Alexandre le Grand, rêvant de constituer un grand empire gréco-iranien, quoique réussie sur le plan militaire, a échoué politiquement. Cette entreprise a eu cependant sur la culture des pays iraniens une influence considérable.Il ne faudrait pas également ignorer l’existence des peuplades iraniennes du Nord et de l’Est, des Sakas aux Kouchans, qui ont rarement pu être intégrées dans ces empires, et dont l’histoire est liée à celle de l’Afghanistan.Si l’on se place à un autre point de vue, en cherchant par quels traits communs les civilisations variées qui se sont succédé sur le plateau iranien pourraient être caractérisées, on sera amené à reconnaître que, tout en appartenant à des ethnies et à des langues différentes, elles ont toutes privilégié la tradition orale; ce sont des peuples sans écrits, sinon sans écriture, qui ont fait la Perse antique. À peine quelques inscriptions à valeur historique et qui restent dans le style suranné des proclamations royales. Dans le domaine religieux, ni archives, ni textes, ni rituels ne nous sont parvenus, jusqu’à ce que la concurrence des religions à écritures contraignît les Iraniens à consigner eux aussi par écrit leurs traditions religieuses; mais, pour cela, il faudra attendre presque la fin de l’époque sassanide, et même, quant à la rédaction définitive de l’ensemble des textes pehlevis, les IXe et Xe siècles!Un autre trait commun à ces civilisations est leur grande faculté d’assimilation. Cela semble patent surtout dans le domaine de l’art. Dans ce pays qui a subi de multiples invasions, et partant de fortes influences, il semble que la culture en ait toujours retiré un gain important. On connaît l’apport des vieilles civilisations mésopotamiennes à l’Iran des Élamites et des Achéménides, et celui de l’hellénisme qui fit éclore des arts nouveaux et dont l’influence se fera sentir jusque sous les Sassanides.On peut ajouter enfin que les Iraniens ont été des bâtisseurs, comme le furent les Grecs et les Romains. Comme eux, ils ont eu le goût de la construction architecturale, mais, là où la brique fut utilisée, elle résista mal à l’usure des temps, si bien que les pierres de Persépolis sont encore pour nous le symbole de la grandeur de la Perse.La vision que peuvent avoir la plupart des Iraniens de leurs attaches culturelles après la conquête arabe témoigne d’un refus caractérisé des contingences historiques: à l’aryanisme de convention professé par l’élite s’oppose aujourd’hui l’attachement romantique du peuple à des chefs charismatiques envoyés par le Ciel pour le protéger de l’injustice. Cette double attitude n’est d’ailleurs que l’aboutissement d’une même mentalité qui, dans le passé, rattacha Alexandre le Grand aux Achéménides, les premières dynasties indépendantes des Arabes, et surtout les ネusaynides aux Sassanides. On connaît l’influence de cette vision de l’histoire sur certaines théories racistes dont la critique moderne commence à peine à nous libérer. D’une étude qui en est en grande partie à ses débuts, on peut dégager les grands traits suivants:– À partir de la réforme de Zoroastre, l’Iran reçut ses influences les plus profitables des civilisation à écriture (Babylone, Grèce, Islam, Europe). L’empreinte la plus durable fut apportée par l’Islam, dont l’élaboration fut d’abord une œuvre arabo-persane.– Bien après l’invasion arabe, à partir du XIe siècle, l’Iran s’épuisa à nourrir (au sens physique et spirituel) des envahisseurs de plus en plus nombreux et de moins en moins civilisés. Malgré la conservation de certaines traditions (art, littérature, structures sociales...), peut-on dire que l’éthique de l’homme iranien « classique» soit restée conforme aux idéaux de l’Iran ancien ou prémongol?– Porteur de valeurs supranationales et englobant de vastes territoires, l’Iran fut le véritable «cœur culturel» du monde islamique du IXe au XVIe siècle. En s’enfermant dans un particularisme religieux et un pseudo-nationalisme, l’Iran des Séfévides et des Q j r s’affaiblit et finit par devenir «client» des puissances colonialistes.1. Perse antiqueDeux millénaires de civilisation élamite (2500-640 av. J.-C.)Quoique non iranienne, la civilisation élamite fait partie du patrimoine de la Perse. Bien que dépendant pour une grande part de la civilisation assyro-babylonienne, elle a son originalité. Seule en Iran, la ville de Suse peut se glorifier d’un aussi lointain passé que Babylone, sa rivale. Ne serait-ce qu’à ce titre, il paraît justifié de faire commencer l’histoire de l’Iran par celle de l’Élam.Cette première civilisation urbaine, produite par un peuple venu du Zagros en même temps que les Lullubi, Guti et Kassites, répond bien, en effet, aux caractéristiques définies ci-dessus. C’est un peuple de langue asiatique, qui n’a pas écrit, ou presque, et faute de documents comparables aux annales assyriennes ou aux textes religieux de l’Égypte ancienne, on doit se contenter des quelques tablettes de comptabilité, d’ex-votos ou de listes de divinités retrouvées, et faire appel aux sources étrangères, comme pour toute l’histoire de l’Iran ancien. Pourtant, les Élamites possédaient, dès le début du IIIe millénaire, leur écriture propre, pictographique et non encore déchiffrée. Mais le vieil élamite des inscriptions sur pierre est connu à travers une écriture empruntée aux Sumériens, ce qui est un indice du faible usage qui était fait de l’écriture nationale. Désormais, les Iraniens empruntèrent toujours leur écriture à des voisins, en la transformant, qu’il s’agisse du cunéiforme (élamite ou vieux perse) ou de l’araméen et des divers systèmes d’écriture qui en sont issus et ont servi à transcrire les dialectes du moyen perse. Dès le XVIe siècle avant J.-C., en effet, les Élamites utilisent une écriture cunéiforme dérivée du système akkadien. Les documents les plus récents sont les versions des inscriptions achéménides des Ve et IVe siècles, ainsi que les nombreuses tablettes commerciales retrouvées à Persépolis.Puissance ou dépendanceL’histoire de ces Élamites est donc malaisée à retracer. À haute époque, ils sont soumis à Akkad, puis indépendants et à nouveau soumis sous le grand Sargon, et leur culture liée désormais à celle de la basse Mésopotamie. On peut distinguer trois grandes périodes. De 2500 à 1500 environ, plusieurs dynasties se succèdent, et la dernière, celle des Épartides, ou Grands Régents, témoigne d’une organisation bien élaborée et originale, dans laquelle les institutions sont fondées sur le fratriarcat. Ainsi, c’est le frère cadet du roi régnant (et vice-roi du royaume) qui hérite sa succession, tandis que le troisième personnage de l’État, chargé du gouvernorat de Suse, et fils aîné du roi, n’a aucune chance d’accéder à la charge suprême, si ce n’est au cas (rarissime) où il n’y a plus ni frères ni cousins capables d’assurer la succession. Ce droit du frère évolua cependant au profit du droit d’héritage du fils, parmi le peuple, mais non dans la maison royale où il se maintint jusqu’à la décadence de l’empire. Mais, en fait, ce droit était limité par une forte mortalité, aggravée par les lois du mariage consanguin et du lévirat. Il semble que nulle part ailleurs n’ait existé pareil système.À partir de 1500, les sources se taisent et il semble bien que ce silence coïncide avec la domination d’un peuple voisin, les Kassites, qui s’emparèrent de Suse sous le règne de Kurigalzu II (1345-1324) et furent les maîtres de Babylone pendant plus de cinq siècles, jusqu’en 1171. Ce peuple introduisit l’usage du cheval et du char de guerre.Le rejet de la domination kassite fut suivi d’une réaction nationale qui inaugura la période classique et fut marquée par une brillante civilisation, par la construction de la célèbre ziggurat de Tchogha-Zambil, due à Untash-Napirisha, qui fit de grands travaux pour l’alimentation en eau de sa capitale Dur-Untash. Ses deux successeurs forment la dynastie des Shutrukides. Ils réussirent à piller la Babylonie et la fameuse stèle du code d’Hammourabi tomba entre leurs mains, de même que les statues des dieux Mard k et Nana. Cette glorieuse époque s’achève avec la prise de Suse par Nabuchodonosor Ier, vers 1110.Trois siècles obscurs séparent cette seconde période de la renaissance néo-élamite (750-640 env.), qui resta précaire en raison de la lutte contre l’Assyrie et l’émergence des Mèdes et des Perses en Iran. Suse fut la proie d’Assurbanipal en 646, et ses habitants déportés en Palestine.Religion et artLa religion des Élamites, pour autant qu’on la connaisse, se caractérise par son conservatisme, attesté par des listes de divinités qui demeurent presque identiques entre 2260 et 640. Son originalité réside dans la primauté accordée à Pinenkir, déesse souveraine du ciel, qui céda cependant sa place au dieu Humban durant le second millénaire. Le serpent jouait un très grand rôle, et, divinisé, on le représenta partout, sur les portes, le trône des dieux, autour de l’arbre de vie. L’art proto-élamite est connu surtout par les cylindres-sceaux, qui attestent le goût de ces hommes pour la représentation animalière, particulièrement des serpents et des capridés. L’ancienne figure mythologique du «Maître des animaux» semble être remplacée par celle du roi-prêtre, et accompagnée de monstres divers. Mais l’Élamite fait preuve aussi de réalisme dans ces scènes pittoresques où il retrace ses activités quotidiennes: travail du tisserand, du magasinier, engrangement de la moisson. La sculpture de bas-reliefs a mieux traversé les siècles que l’architecture, dont les constructions en brique sont très périssables. Avec moins d’éclat sans doute, cette civilisation élamite a bel et bien rivalisé avec Sumer et Uruk.L’Empire des Mèdes et des Achéménides (VIIe-IVe s. av. J.-C.)Le premier royaume iranien (VIIe-VIe s. av. J.-C.)Après avoir séjourné dans la région du lac d’Ourmia, au contact des Urartéens, auprès desquels ils auraient appris les techniques de construction du type cyclopéen, des Aryens, les Mèdes et les Perses, s’établirent près de l’Élam dont la défaite servit leurs intérêts. Ce sont les Mèdes qui constituèrent sur le plateau iranien le premier empire, à l’instigation de Déiocès, auquel Hérodote attribue la construction d’Ecbatane (l’actuelle Hamadan), et de ses successeurs Phraorte (mort en 633) et Cyaxare (633-584), qui en firent leur capitale. Le dernier s’empara de l’Assyrie et de ses provinces d’Asie Mineure, et son empire confina à la Babylonie, maîtresse de l’Élam, et à la Lydie, puissant État commercial.Parlant un dialecte du Nord-Ouest, les Mèdes n’ont laissé aucun monument écrit. Il est vrai que le site d’Ecbatane n’a toujours pas été fouillé, mais leur langue n’a apparemment jamais été écrite. Même si le gouvernement mède possédait ses archives, elles ont pu être rédigées en une autre langue. Le mède n’est donc connu qu’à travers des transcriptions d’Hérodote, et grâce à l’influence qu’il a exercée sur le vieux perse, ce qui a permis de tenter une reconstruction de la langue. On sait que des poètes mèdes se trouvaient à la cour, et Hérodote cite des «théogonies» récitées par les Mages, qui étaient une tribu d’où l’on recrutait les prêtres. Ils pratiquaient le culte solaire et la divination. Dans le domaine de l’art, quelques tombes rupestres ont été attribuées aux Mèdes par E. Herzfeld, mais on pense que l’art mède, encore mal connu, a pu jouer le rôle d’un organe de transmission entre l’art des Scythes et des Urartéens et celui des Achéménides. Plus que quiconque, les Mèdes se définissent, comme leurs devanciers, par ce refus de la tradition écrite.L’Empire de Cyrus et de Darius (558-486 av. J.-C.)La constitution d’un empire dominé par les Perses est l’œuvre de Cyrus, qui, s’étant emparé du royaume de Crésus (Lydie) et des possessions grecques d’Asie, étendit ses conquêtes à l’est avant de faire tomber Babylone en 539. Son fils Cambyse agrégea l’Égypte à l’Empire. Mais Darius Ier, qui dut reconquérir le pouvoir par la force, demeure le grand organisateur de cet Empire démesuré, par sa diligence à légiférer, par ses réformes financières (création de la darique, monnaie en or; standardisation des poids et mesures, des valeurs des métaux précieux), par le développement des voies de communication (canal de Suez), par son œuvre de bâtisseur: Persépolis, après Suse et Pasargades, est sa création grandiose, que poursuivit son fils Xerxès, dont la tâche ne fut pas facilitée par les conflits avec les Grecs. Cette ville semble avoir été surtout une capitale d’apparat, comme Versailles, où les délégations des peuples sujets venaient chaque année, à la fête du Nouvel An, apporter tribut et présents au Roi des rois qui les recevait à cette occasion. Les bas-reliefs de Persépolis attestent pour nous ces cérémonies somptueuses qui tentaient aussi de manifester d’une manière tangible l’unité de ce si vaste empire, peuplé d’Indo-Européens, de Sémites et d’Asianiques. Le système des satrapies, organisé par Cyrus et calqué sur le modèle des provinces assyriennes, fut renforcé par un contrôle strict de l’administration centrale, qui dépêchait chaque année un inspecteur dans chaque satrapie. En outre, trois hauts fonctionnaires de la satrapie (secrétaire, trésorier, commandant de la garnison) étaient placés sous les ordres directs du Grand Roi.Cet âge d’or est connu essentiellement par le récit des historiographes grecs, surtout grâce à Hérodote. Son témoignage, qui ne manque pas de valeur, ne peut être tout à fait impartial, car les conflits entre les cités grecques et les Perses ne cessèrent d’envenimer les relations entre les deux parties: ces guerres tendaient à libérer des régions de l’Asie Mineure colonisées depuis longtemps par les Grecs et occupées par le Roi des rois, qui tenta (avec Xerxès) de porter la guerre jusqu’en Grèce, mais échoua au désastre de Salamine. Aussi les inscriptions monumentales que Darius fit graver en vieux perse et traduire en élamite et en akkadien sont-elles de la plus haute importance; mais, en dehors du grand texte de Behist n, qui fournit la liste des pays conquis par Darius et relate les événements de son règne, les autres inscriptions sont courtes et se répètent volontiers. Toutefois, ces textes sont uniques, en ce qu’ils représentent l’état le plus ancien de la langue parlée (à la cour). Il reste que les Achéménides ont si peu écrit qu’ils sont bien – sur ce plan – à l’image de leurs prédécesseurs.Tolérance religieuse, mazdéismeL’Avesta , collection de textes religieux assez consistante, ne contrevient pas à la primauté de la tradition orale, car elle n’a été réunie que très tardivement, à l’époque sassanide, probablement sous la pression des religions à écritures , comme le judéo-christianisme et le manichéisme. Parmi ces textes, ceux que l’on attribue à Zoroastre (hymnes des G th s ) reflètent l’état d’une langue morte, parlée mille ans avant qu’elle ne fût écrite! C’est en effet vers 600 avant J.-C. qu’on s’accorde à placer la vie de ce prêtre d’une petite communauté se livrant à l’élevage du bœuf, en Chorasmie. On pense aussi généralement qu’il a été un réformateur de l’ancienne religion indo-iranienne: en écartant des dieux comme Mithra et Zurvan, en donnant à Ahura Mazda la première place et en lui subordonnant une série de sept entités divinisées, il a transformé l’ancien polythéisme des Indo-Européens en une sorte de monothéisme compatible avec un dualisme relatif, où le parti d’Ahriman et des démons sera finalement vaincu.Le problème qui préoccupe particulièrement les iranistes est de savoir si les Achéménides ont connu cette réforme; il ne le semble pas, du moins avant Artaxerxès Ier (465-424). Tout ce que l’on connaît de la religion de ces souverains, c’est leur politique tolérante (et habile) envers les autres religions, dont ils acceptèrent la cohabitation. Quant aux données fournies par Hérodote, elles concernent sans doute les pratiques de la religion populaire.La cassure de l’hellénisation (IVe-IIIe s. av. J.-C.)La conquête d’Alexandre (334-323 av. J.-C.)L’Empire achéménide n’était pas sans faiblesses: à l’intérieur, l’immensité même du territoire et la pression des impôts entraînant le mécontentement en rendaient l’unité fragile; à l’extérieur, les guerres incessantes avec la Grèce, qui furent rarement à l’avantage de cette dernière, détournaient le Grand Roi des vrais problèmes intérieurs. Le dessein de libérer les cités grecques d’Asie, devenu pourtant impopulaire en Grèce, fut repris par Philippe de Macédoine, puis par Alexandre qui ruina en quelques années l’Empire perse, s’emparant d’abord des côtes de l’Asie Mineure, des pays méditerranéens jusqu’à l’Égypte, puis du cœur même de l’Empire, de ce qu’on appela plus tard les satrapies supérieures (Babylonie, Mésopotamie, Iran). Cette fantastique conquête s’acheva, à l’est, par la prise des provinces orientales et de l’Inde occidentale, où Taxila près de Pesh war témoigne encore de la colonisation gréco-macédonienne.Mais avec la mort prématurée du conquérant en 323, ce nouvel Empire s’effrita rapidement, au milieu des disputes des généraux d’Alexandre, puis de leurs successeurs, les Séleucides, qui ne furent pas en mesure d’empêcher la sécession des provinces orientales, d’endiguer la montée de nouveaux venus, les Parthes arsacides, ou de réaliser cette symbiose entre les populations indigènes et les colons macédoniens qu’Alexandre avait préconisée.Conséquences de l’hellénisationSi l’espoir du conquérant de réaliser un empire unissant l’Orient à l’Occident semble bien avoir été déçu, il n’en est pas de même quant à la symbiose obtenue sur le plan culturel. Certes, la conquête du Macédonien constitue une véritable cassure dans l’histoire de l’Iran ancien, mais le bilan en est plutôt bénéfique sur le plan de la civilisation. Partout, en effet, l’hellénisme s’est imposé comme la culture internationale du temps. À la prédominance de l’araméen, utilisé auparavant comme langue officielle de l’administration, se substitua celle du grec, qui évolue en une koinè ayant cours dans tous les pays méditerranéens et iraniens. Et cette hellénisation ne s’arrêta pas avec la disparition des Séleucides, puisqu’aussi bien le grec était encore utilisé au IIIe siècle après J.-C. (cf. la version grecque de la grande inscription de Sh buhr). La durée de la domination grecque ne coïncide pas avec celle de l’hellénisme.Cela se vérifie aussi dans l’art: partout, de l’Euphrate à l’Indus, les fouilles révèlent l’influence de l’art grec. Aï Khanoum, découverte en 1964, est une cité entièrement grecque sise sur l’Oxus (aujourd’hui Amou-Daria). Et Taxila, en Inde, aussi bien que Faïlaka sur le golfe Persique attestent cette omniprésence de l’hellénisme en Iran. Certes, il est malaisé d’en suivre l’évolution dans l’espace comme dans le temps, car cet art grec s’est mué, assez vite peut-être, en un art gréco-iranien et, à l’est, en un art gréco-bouddhique. Comme l’a recommandé D. Schlumberger, il faut se défaire d’une fausse vision historique (et latine) qui fait des Romains les sauveurs d’un hellénisme qui n’aurait pas dépassé l’Euphrate, à l’est. Or, «de l’héritage hellénistique, Rome n’a recueilli qu’une part» (L’Orient hellénisé ).Dans le domaine religieux, les données sont si ténues qu’on en est réduit à des hypothèses. Certes, une certaine résistance à l’hellénisme s’est manifestée, spécialement dans les milieux juifs, mais il ne faut pas la surestimer. On ne sait pas si la religion grecque, qui a nettement influencé la dynastie parthe, a été vraiment combattue par les Iraniens, soucieux de conserver leur patrimoine culturel et religieux, mais aptes également à accueillir les apports étrangers, comme cela est si patent dans les arts dès l’époque achéménide où, à partir d’influences diverses, une culture originale s’est épanouie.La réaction nationale des Parthes arsacides (IIIe s. av. J.-C.-IIe s. apr. J.-C.)Aux prises avec les Séleucides et avec les RomainsFace à l’hellénisme envahissant, l’installation au pouvoir de nouveaux Iraniens, pour près de cinq siècles, peut apparaître comme une réaction nationale. Il s’agit d’une nouvelle vague d’envahisseurs sakas, venus des steppes araliennes, qui, sous la conduite d’Arsace, s’établissent en Hyrcanie-Parthyène dès la seconde moitié du IIIe siècle. Leur premier objectif fut de conquérir les provinces soumises aux Séleucides, et la réussite en est due à Mithradate Ier (171 env.-138 env.) qui enleva Séleucie du Tigre en 141 et captura le roi séleucide lui-même, l’emmenant en Parthie. Cet exil forcé fut une erreur politique, car les Séleucides réagirent très vigoureusement. Mais Démétrios II ayant été relâché, les Parthes devinrent maîtres de la plus grande partie des pays iraniens. Ils se heurtèrent cependant encore à d’autres obstacles: d’abord à la pression des nomades sakas, des Huns et des Tochariens, ensuite à celle des royautés indo-scythes et des Kouchans, à l’est.Une fois la puissance séleucide vaincue, c’est à celle de Rome que furent confrontés les Parthes. Toute leur histoire, de Phraate III (71-58 av. J.-C.) à Artaban IV (mort en 224 apr. J.-C.), le dernier des Arsacides régnants, est une lutte incessante, dans laquelle les Romains furent souvent les attaquants pour disputer aux Parthes l’Arménie, sorte d’État tampon passé sous leur contrôle et gouverné par une branche de la famille arsacide. Les Parthes tentèrent d’imposer comme limite naturelle aux deux empires le cours de l’Euphrate.Les premières guerres se soldèrent pour Rome par de graves échecs, soit que l’infanterie des légions ne pût résister aux assauts de la cavalerie parthe très mobile, comme ce fut le cas à Carrhes, soit que, attirés dans les montagnes de l’Arménie, les Romains ne pussent supporter les dures conditions stratégiques et climatiques qui leur étaient infligées. Préparé par César, le projet d’une grande expédition en Arménie fut mis à exécution par Antoine, croyant à la fidélité de l’alliance romano-arménienne. Cette campagne se transforma en retraite sanglante, à l’image de celle des Dix Mille. Après le règne florissant de Vologèse Ier, les Romains furent plus fortunés dans leurs conquêtes, au début du IIe siècle après J.-C. Les succès de Trajan, qui s’empare de Ctésiphon, ville fondée sur le Tigre par les Parthes et érigée en capitale d’Empire (en remplacement d’Hécatompylos située près de la mer Caspienne et donc trop excentrique) en 115-117, puis de Lucius Verus en 165, de Septime Sévère en 197-198 entraînent le déclin de Séleucie-Ctésiphon ainsi que la décadence de la royauté parthe, qui fut anéantie par les Sassanides.Caractéristiques de la civilisation partheAinsi confrontés successivement aux Séleucides et aux Romains, les Parthes ont dû lutter pour maintenir l’unité de leur Empire. Celle-ci fut menacée aussi à l’intérieur: les nobles, devenant de plus en plus puissants, de même que les sept grandes familles qui possédaient d’immenses propriétés foncières, tendirent à ruiner l’autorité de la monarchie, non héréditaire, qui cherchait, par l’élimination cruelle des rivaux possibles, à s’imposer par un despotisme impopulaire. Le bilan de cette période ne doit pas pour autant être négatif. Cependant, faute de documents écrits (presque rien, hormis les ostraca de Nisa) ou de monuments proprement parthes (rien n’est resté de la Ctésiphon parthe), il est difficile de mesurer l’impact de cette civilisation. Ce qui est sûr cependant, c’est qu’elle reste tributaire de l’hellénisme, comme l’atteste la numismatique: les dieux représentés sont purement grecs jusqu’à Vologèse Ier et les rois se proclament «philhellènes». Des villes cosmopolites aux confins des deux empires, comme Hatra, Assur ou Doura-Europos, témoignent du syncrétisme religieux, ou du moins de la cohabitation des grandes religions. Le culte de Mithra a pris une coloration et une extension nouvelles sous la forme du mithraïsme, se répandant dans tout le bassin méditerranéen. Les Parthes ont-ils été des bâtisseurs? L’exemple de Vologèse, qui construisit V laxsh b d (Vologesocerta) pour remplacer Séleucie, pourrait l’attester. L’art parthe, en tout cas, si mal connu soit-il, a su être original, en généralisant la représentation de face dans la sculpture, et l’emploi de l’iw n (pour le plan), de l’arc et de la voûte (pour la couverture) dans l’architecture.Le dernier Empire: les Sassanides (IIIe-VIIe s.)Les fondateurs du IIIe siècleL’opinion communément admise d’une réaction sassanide à l’hellénisme et d’une tentative de restauration de l’âge d’or achéménide est à réviser quelque peu. L’usage du grec sous Sh buhr Ier (241-272), qui fit graver en cette langue (à côté du parthe et du pehlevi) le mémorial de ses victoires sur les Romains et de ses fondations religieuses en faveur de la famille royale, suffit à indiquer qu’il y a continuité avec la période parthe. Ce qui change, c’est que les nouveaux maîtres de l’Iran sont originaires du F rs: c’est de là que partit la révolte d’Ardach 稜r, qui tua de sa main Artaban IV, tout comme huit siècles plus tôt Cyrus le Perse avait pris l’Empire mède des mains d’Astyage. Le renouvellement de l’histoire se borne là. Sh buhr Ier arrache aux Romains d’importants territoires en Syrie et vainc trois empereurs, tuant l’un (Gordien) et capturant un autre (Valérien); ses victoires furent suivies de la déportation de populations qui sont probablement à l’origine des premières communautés chrétiennes en Perside. Les deux premiers Sassanides fondèrent de nombreuses villes dans le F rs et le Khuzistan, et il semble que ce fut là le cœur de l’empire au IIIe siècle, et non plus Séleucie-Ctésiphon, qui le redevint toutefois plus tard.Les quelques inscriptions laissées par Sh buhr en plusieurs endroits ont une très grande importance, même si l’essentiel de la documentation pour cette période demeure l’historiographie arabo-persane postsassanide et les chroniques syriaques et arméniennes. À ces inscriptions royales s’ajoutent quelques textes privés dus à un mage nommé Kird 稜r.Les persécutions religieuses (276-fin Ve s.)Simple prêtre sous Sh buhr, Kird 稜r eut une carrière étonnante et devint le chef suprême du zoroastrisme érigé en religion d’État, avec l’appui de Bahr m II (276-293). Il employa toute son énergie à fonder de nouveaux temples du feu, à développer le culte, à accroître le nombre de ses ministres et à encourager le prosélytisme auprès des incroyants. En même temps, il combattit les égarés de la «religion mazdéenne» (maguséens et zervanites?) et persécuta les juifs, les chrétiens, les bouddhistes et brahmanes, les manichéens. Ces derniers représentaient un danger sérieux pour le mazdéisme, car le manichéisme était une religion fortement structurée, avec un corps de doctrines que son fondateur avait tôt mises par écrit, et redoutable par son expansion prodigieuse et par sa prétention à l’universel. Bien reçu par Sh buhr, il ne fut plus toléré par Bahr m qui, sur l’instigation de Kird 稜r, fit périr Mani en 277.La conversion de Constantin (et de l’Empire romain) à la foi chrétienne entraîna pour les chrétiens de nouvelles persécutions, sous Sh buhr II, qui se poursuivirent de manière sporadique dans les siècles suivants, jusqu’à ce que, l’Église de Perse devenant tout entière nestorienne et autonome (fin du Ve s.) sous V laxsh, les rapports entre Église et État en fussent améliorés.Une civilisation très policée (Ve-VIe s.)Après la tentative d’un manichéen hérétique, Mazdak, de secouer l’ordre établi et d’instaurer une sorte de communisme pour venir en aide aux plus défavorisés, avec l’appui de Kav d Ier qui dut en conséquence renoncer à son trône, le VIe siècle sassanide fut marqué par le règne de deux grands souverains, Xosr 拏 Anushirv n (531-579) et son petit-fils Xosr 拏 Parv 稜z (591-628), dont les fastes et le luxe sont restés légendaires. Le premier sut maintenir la paix et entreprendre de nombreuses réformes. C’est le type du roi juste, généreux et magnanime, selon la tradition arabe. À l’instar des premiers Sassanides, il fut aussi un bâtisseur de villes. Ctésiphon faisait partie d’un ensemble de sept villes.C’est aussi la plus belle période littéraire et philosophique; l’enseignement était entièrement aux mains du clergé. L’influence de la Grèce, dans la médecine, ou de l’Inde, sur la littérature, est incontestable. La cour de Xosr 拏 II, qui avait épousé la chrétienne Sh 稜r 稜n, n’a pas été moins florissante. Mais les règnes très éphémères qui suivirent attestent l’affaiblissement du pouvoir monarchique, qui profita aux généraux et aux gouverneurs devenus indépendants, et finalement aux envahisseurs arabes dans les années 640-650.Si peu de sites sassanides ont jusqu’ici été fouillés, l’art semble cependant rompre avec celui qui l’a précédé: l’abandon de la frontalité, l’emploi de la coupole, le retour au décor achéménide manifestent une rupture et, en tout cas, la fin de l’influence grecque.2. Perse islamiqueLa domination arabe et la «révolution ‘abb size=5side»Moins bien structuré que son rival byzantin, l’Empire sassanide fut détruit par l’expansion arabe dès les premières décennies du califat ; à l’exception des régions caspiennes et centre-asiatiques, le pays fut contrôlé par les Arabes dans le courant du VIIe siècle. Malgré les exactions commises par certains Arabes et la résistance de quelques aristocrates et des milieux zoroastriens, l’islamisation fut rapide, surtout dans les provinces occidentales et centrales de l’ex-empire perse.En dépit de l’égalitarisme théorique de l’islam, les Omeyyades imposèrent à Damas la domination d’une aristocratie arabe héréditaire, alors qu’au Khor s n des seigneurs ruraux (dehq n ) étaient devenus agents fiscaux des Arabes. Mécontents, des paysans iraniens convertis allèrent s’entasser dans les agglomérations du bas Irak où ils furent sollicités par divers mouvements d’opposition aux Omeyyades, regroupant des Arabes défavorisés et des maw li (convertis persans ou autres, «clients» d’un clan arabe). Le plus important de ces mouvements eut pour centre la ville garnison de Koufa, siège du califat sous ‘Al 稜 (656-661), à l’époque où étaient nés le kh ridjisme et le sh 稜‘isme. Après l’élimination et la dispersion des kh ridjites, la lutte pour le califat opposa la branche hachémite (à laquelle appartenait ‘Al 稜) à la branche omeyyade. Quant au mouvement sh 稜‘ite, après le meurtre de ネusayn, fils d’‘Al 稜, en 680, il entendit triompher en tant que secte islamique et attira des maw l 稜 et assimilés. À l’occasion de la révolte de Mokht r, vengeur de ネusayn, à laquelle participèrent de nombreux maw l 稜 iraniens, se manifesta l’idée messianique du Mahd 稜, qui donna naissance à une doctrine politico-religieuse (qu’on a appelée le «stratagème du guide absent») d’importance considérable en islam iranien. En faisant usage de «motifs» sh 稜‘ites et en s’appuyant, comme Mokht r, sur les maw l 稜, le mawl persan (ou kurde?) Ab Muslim réussit à fomenter une révolte qui, partie du Khor s n, amena l’avènement des ‘Abb sides (hachémites non alides) en 750.Le califat ‘abb size=5side et l’émancipationAvec le transfert du siège du califat à Bagdad, le Nord-Est iranien se rallia bon gré mal gré à l’islam; la vieille noblesse joua un rôle prépondérant à Bagdad où furent adoptés certains usages sassanides ou prétendus tels. Malgré l’élimination de leurs partisans extrémistes, dont Ab Muslim, les ‘Abb sides ne purent réduire l’agitation qui se poursuivit pendant plus d’un siècle en Iran sous forme d’«hérésies» préislamiques ou musulmanes, certaines se réclamant d’Ab Muslim. Bien que ces mouvements aient parfois été anti-arabes et anti-musulmans, les Iraniens participèrent davantage à l’élaboration de l’islam qu’à sa destruction; même dans le mouvement shu‘ biya qui défendait les droits des non-Arabes, les discussions se faisaient dans la langue de l’élite arabo-persane, l’arabe. En effet, alors que le pehlevi demeurait la langue des «conservateurs», l’arabe, qui avait remplacé l’araméen dans l’administration et l’avestique dans le rituel, devenait la langue écrite de l’élite iranienne «moderniste». La fusion des deux cultures avait été scellée très tôt par une fusion ethnique et linguistique (formation du néo-persan vernaculaire). La pensée iranienne apportait à la littérature d’expression arabe une très riche thématique que l’Iran avait d’ailleurs empruntée en partie à l’Inde. En art, et notamment en architecture, l’influence sassanide fut considérable. La culture arabo-persane née de cette fusion se diffusa largement dans le monde islamique.Les gouverneurs provinciaux ne tardèrent pas à se déclarer indépendants et à fonder leurs propres dynasties. Aux T herides du Khor s n (821-873) succédèrent les Saff rides du S 稜st n qui dominèrent l’Est iranien aux IXe et Xe siècles et parurent un instant prêts à réunifier l’Iran. De descendance purement iranienne, les S m nides (819-1005) firent de Samarkand, Balkh, Merv et Nichapour de grands centres de culture islamique. Sous leur protection s’épanouit la littérature en néo-persan «de cour», amorcée sous les T herides et les Saff rides. Autre centre de culture iranienne à cette époque, les provinces caspiennes converties à l’islam par des réfugiés alides zaïdites fournirent les Ziy rides (927-env. 1090) et surtout les Bouyides (932-1055) qui professaient le sh 稜‘isme duodécimain. Après s’être emparé de Bagdad en 946, ils y gouvernèrent en véritables «maires du palais» et rompirent pour un temps le cycle des dominations étrangères sur l’Iran.Alors que le sh 稜‘isme paraissait au Xe siècle sur le point de dominer le monde musulman, en Iran les particularismes s’exprimèrent tant dans le cadre de l’islam que dans les polémiques mazdéennes contre l’islam. Encore nombreux en Iran aux IXe et Xe siècles, les mazdéens composèrent alors les principaux ouvrages en pehlevi sassanide qui nous soient parvenus; victimes d’une oppression croissante, beaucoup émigrèrent en Inde. À cette même époque, les musulmans s’intéressèrent à la pensée grecque et hellénistique, élément capital pour l’élaboration de la métaphysique arabo-persane.La domination turqueDevenus de plus en plus influents dans les provinces, les Ghol m (appelés ailleurs Maml k ) finirent par créer des États. D’abord au service des S m nides, les Turcs ghaznévides (977-1186) ouvrirent l’Afgh nist n et l’Inde occidentale à la culture néo-persane. Ils furent battus au Khor s n par les Seldjoukides (Saldj qides), chefs d’un clan turc ogh z du Nord-Est qui, après avoir pris Bagdad aux Bouyides en 1055, fondèrent un vaste empire de culture irano-islamique (1038-1194). Les Seldjoukides ne parvinrent jamais à éliminer l’organisation secrète des ismaéliens d’Alam t (les «Assassins»). Ces «Templiers de l’islam» inaugurèrent la promotion du néo-persan comme langue rituelle. Avec ses hommes d’État, ses poètes, ses philosophes, ses chroniqueurs, ses artistes et ses architectes, la période seldjoukide constitue l’âge d’or de la Perse islamique. Son rayonnement se prolongea en pleine période mongole, sous les Atabeg, notamment dans le F rs, et aussi en Anatolie, où une lignée seldjoukide créa un État dont la langue administrative était le persan. Sur le plan socio-économique, l’immigration massive des tribus ogh z modifia profondément la vie sur le plateau iranien et, aggravant les effets du «factionnalisme», causa la ruine de certaines villes avant même l’invasion mongole. Au début du XIIIe siècle, l’Iran fut réunifié pour une courte durée par les Kh rezmiens.Le déferlement mongol, t size=5稜m size=5ride et turkmèneAprès avoir dévasté le Kh rezm et le nord de l’Afgh nist n, les hordes de Tchingizkh n (Gengis kh n) s’abattirent sur le Khor s n en 1221, puis ravagèrent tout l’Iran. Leurs massacres et destructions sapèrent les bases de la vie agricole et sédentaire et accélérèrent le processus de nomadisation. H l g (1256-1265), le premier Ilkh n de Perse, détruisit les forteresses ismaéliennes avant de mettre fin au califat de Bagdad en 1258; sunnites et sh 稜‘ites duodécimains pouvaient reprendre leurs luttes d’influence sur un pied d’égalité. Habitués à servir les Turcs, les fonctionnaires iraniens se résignèrent à collaborer avec les Mongols qui finirent par s’iraniser et s’islamiser, favorisant parfois le sh 稜‘isme duodécimain. Devenus sédentaires, les Ilkh n s’efforcèrent de faire renaître la vie agricole et urbaine et améliorèrent les communications. Leur attitude supranationale et supraconfessionnelle ouvrit l’Iran aux relations avec l’Italie, l’Inde et la Chine. Leurs capitales (Tabr 稜z, Mar ghè, Solt n 稜yè) et leurs dépendances provinciales (Var m 稜n, I ルfah n) furent embellies de monuments souvent grandioses. Après 1335, l’empire se morcela en principautés rivales et en petits États indépendants. Après avoir brillé davantage en Turquie et en Inde au cours du XIIIe siècle, la tradition littéraire renaquit pour un temps en Iran sous la protection de princes locaux.Un siècle et demi après Gengis kh n, des nomades tchaghataï de Transoxiane envahirent l’Iran sous la conduite de Tim r Lang (Tamerlan). Au milieu d’actes de vandalisme et de sauvagerie inouïs, seuls les sayyids (descendants du Prophète) furent épargnés par ce tyran superstitieux; lettrés, artisans et butin allèrent embellir sa capitale de Samarkand. Malgré le déclin considérable de la vie rurale et surtout urbaine, après sa mort (1405), ses descendants parvinrent à donner un grand éclat à la culture irano-musulmane, surtout à la cour des Tim rides d’Har t (Hérat) où, sous ネusayn Bayqara (1470-1506), se produisit une intéressante symbiose culturelle irano-turque.Au cours du XVe siècle, des Turkmènes que les Mongols avaient repoussés à l’ouest vinrent par un choc en retour balayer l’Azebaïdjan et l’Iran occidental en trois vagues successives: les Moutons-Noirs (prosh 稜‘ites), évincés en 1468 par les Moutons-Blancs (d’obédience sunnite), éliminés par les Qïzïlbash (les «têtes rouges», porteurs d’un turban rouge à douze plis, symbole des douze im ms). Divers princes des fédérations rivales embellirent Tabr 稜z de monuments, alors que s’accélérait la turquisation de l’Azerbaïdjan.L’isolationnisme séfévide et q size=5dj size=5rLes Qïzïlbash étaient commandés par sh h Ism ‘ 稜l, chef de la confrérie des Safav 稜ya d’Ardébil (Azerbaïdjan) passés du sunnisme au sh 稜‘ 稜sme extrémiste dans le courant du XVe siècle. Bien que se prétendant d’origine alide, cette famille turcophone était probablement d’ascendance kurde. Après avoir pris Tabriz sur les Moutons-Blancs en 1502, sh h Ism ‘ 稜l conquit l’Iran et l’Irak et y imposa le sh 稜‘isme duodécimain, tendance alors minoritaire bien qu’en expansion et opposée tant au sh 稜‘isme extrémiste qu’au sunnisme. Limité à l’ouest et à l’est par les pouvoirs sunnites ottomans et uzbeks, l’Iran séfévide se trouva bientôt fixé, malgré quelques changements, dans ses frontières actuelles. En dépit du brillant règne de sh h ‘Abb s le Grand, l’époque séfévide n’eut pas le grand éclat culturel qu’on lui prête généralement. Les persécutions religieuses avaient vidé l’Iran d’une bonne partie de son élite et la culture classique prospéra en Turquie et surtout en Inde où le persan se maintint comme langue littéraire et administrative jusqu’au XIXe siècle et contribua largement à la formation de l’hind st n 稜. En dehors des productions culturelles de prestige (architecture, peinture, tapis, bronze, céramique), seules la théologie en arabe et la liturgie en persan du sh 稜‘isme duodécimain furent encouragées. En 1722, la révolte afghane renversa le dernier séfévide et laissa le pays dans un terrible chaos dont profitèrent Russes et Ottomans ; un pouvoir séfévide nominal subsista jusqu’en 1786.N der sh h Afsh r (1736-1747), Turkmène du Khor s n, reconstitua l’intégrité territoriale, envahit l’Inde moghole (sac de Delhi en 1739) et tenta vainement de faire admettre une forme atténuée du sh 稜‘isme duodécimain comme cinquième rite sunnite. Après les années d’anarchie qui suivirent son assassinat, Mu ムammad Kar 稜m kh n Zend (1750-1779) se déclara «régent» à Sh 稜r z, au nom du Séfévide Ism ‘ 稜l III. Ce monarque éclairé réorganisa le pays et l’économie, et encouragea les lettres et les arts. Les luttes de succession des Zend furent réglées par Agh Mu ムammad kh n Q dj r, chef d’une des sept tribus turkmènes ayant soutenu les premiers Séfévides, qui se proclama sh h à Téhéran en 1786.Malgré la forte personnalité de son fondateur, la dynastie Q dj r (1786-1925) ne fut qu’une longue série d’échecs et d’humiliations. Aux rivalités diplomatiques franco-anglaises succédèrent les luttes d’influence anglo-russes. Après des campagnes désastreuses, les territoires iranisés du nord de l’Araxe passèrent aux Russes. Toutefois, malgré la perte d’Hérat, la reconnaissance de l’Afgh nist n et l’avance russe en Asie centrale, N ser ed-d 稜n sh h (1848-1896) parvint mieux que les Ottomans à sauvegarder l’intégrité territoriale de la Perse. Après la terrible répression du b bisme (1849-1852), le mécontentement de la bourgeoisie urbaine s’exprima dans des révoltes contre les concessions étrangères et par la formation d’un mouvement constitutionnaliste. Au cours de la période qui suivit l’assassinat de N ser ed-d 稜n sh h et l’octroi d’une Constitution en 1906, l’Iran se transforma sous Mu ムammad ‘Al 稜 (1907-1909) en une sorte de condominium russo-anglais. Sous A ムmad sh h (1909-1925), les constitutionnalistes ne parvinrent pas à réorganiser le pays, de plus en plus en proie aux rivalités étrangères. En 1921, le colonel Rez kh n, fondateur de la dynastie Pehlev 稜, s’empara du pouvoir.Redevenu tout-puissant après l’intermède «sunnite» de N der sh h, le «clergé» sh 稜‘ite joua un grand rôle dans la vie publique (répression du b bisme, résistance aux concessions étrangères, etc.). Rez sh h s’efforça de limiter son influence en interdisant les manifestations publiques du sh 稜‘isme et en encourageant les tendances à l’occidentalisation.Continuité et discontinuité de la vie culturelleFavorisé par la topographie particulière du pays, le déplacement constant des centres politiques et culturels au rythme des invasions est une des données permanentes de l’histoire de la Perse islamique. On observe aussi une tendance des élites à fuir la tyrannie des grands potentats et à se réfugier à l’étranger ou dans les principautés résultant de l’émiettement des empires ou plus simplement dans la vie monacale. Ce processus s’accéléra sous les Séfévides et, après le grand vide de la période afghane et afsh ride, c’est à Sh 稜r z et à Tahr n (Téhéran) que se maintint une certaine continuité culturelle avec une période littéraire néo-classique et l’adaptation au monde moderne par l’élaboration de nouveaux styles et un changement radical des conditions de production littéraire et artistique.Sur le fond de décadence séfévide et q dj r, un renouveau spirituel s’est aussi manifesté en théosophie sh 稜‘ite (école d’Ispahan, école Sheykh 稜), dans la création d’une religion universaliste (le bah ïsme, issu du b bisme) et, à un niveau populaire, dans divers modes d’expression artistiques liés aux commémorations sh 稜‘ites (littérature, théâtre religieux, par exemple, élaborés à partir d’une longue tradition). Sur d’autres plans (notamment peinture, architecture, musique, mode de vie), l’influence européenne fut le plus souvent désastreuse. Dans certains domaines encore mal explorés (arts plastiques, métaphysique, par exemple), il appartiendra aux futures recherches de déterminer la part de continuité et d’influences reçues.
Encyclopédie Universelle. 2012.